mercredi 25 juillet 2007

Jean Cocteau





JEAN COCTEAU
(1889 - 1963)
Poète en tout,à la fois mondain et secret, sorte de Janus cultivant
le clair obscur, entre les feux de la rampe et les coulisses de la création.


LA GENESE DU "SURREALISTE"


J'AI L'AGE DE LA TOUR EIFFEL !

Né le 5 juillet 1889 à Maison-Laffitte, Jean Cocteau prit place dans une famille bourgeoise,
entouré de son père, rentier, de sa mère et de leur deux autres enfants, Marthe (12 ans) et
Paul (8 ans).

Il passa son enfance au grès des réceptions musicales que donna son grand-père. Ce dernier,
d'une grande culture artistique, n'avait de cesse d'initier le petit cancre de la famille à la musique.
Cette période probatoire influencera considérablement sa perception créatrice tout au long de sa vie.
Elle s'affirmera notamment dans la formation, par Cocteau lui-même, du Groupe des Six - formé des
compositeurs Arthur Honegger, Germaine Tailleferre, Georges Auric, Louis Durey, Darius Milhaud et
Francis Poulenc - dont l'esthétisme particulier aura pour usage le rejet du formel, l'utilisation du banal
et du vulgaire... En un mot un antiwagnérisme. Leur exemple le plus insolite : le ballet des "Mariés de
la Tour Eiffel", écrit par Jean Cocteau. Une bouffonnerie déroutante !

Très jeune, Jean va vite découvrir les funestes nuances de la vie. Son père Georges Cocteau se
suicide dans son lit. Jean n'a alors que 9 ans, mais la mort, le suicide et le sang vont à tout jamais
préfigurer ses oeuvres ("Le Sang d'un Poète", "L'Aigle à Deux Têtes", "Le Testament d'Orphée"...).
Le tragique restera l'une des préoccupations majeures du poète, une exorcisation jamais comblée.

Sa mère élèvera donc seule cet être difficile qui refuse de grandir, trouvant dans les états pathologique
un moyen de se faire choyer.

Aidée par une gouvernante allemande, Cocteau découvrit, très tôt, le monde du spectacle et de l'illusion. Il s'émerveilla face à la beauté du cirque, face au prestige des divertissements du Châtelet ("Le Tour du Monde en 80 jours"). Entre trois grippes et deux utopies, il passera des heures, dans sa chambre, à improviser des spectacles autour de son petit théâtre miniature, où il réinvente les décors. La maladie a ses jeux, dont la quintessence ranime l'âme créatrice...


J'AIME LES AUTRES ET N'EXISTE QUE PAR EUX

La descente de Cocteau au pays des rêves va lui faire rater son baccalauréat au lycée Condorcet.
Mais c'est dans cette cour (des miracles) qu'il aperçut, pour la première fois, l'élève Dargelos, le
"premier symbole des forces sauvages qui nous habitent", le fantasme qui allait habiter chaque
compagnon de Cocteau, chaque personnage masculin de ses oeuvres. Sans équivoque, on retrouve
le personnage de Dargelos dans "Le Livre Blanc" et "Les Enfants Terribles".

En 1908, Cocteau, alors agé de 19 ans, fera la connaissance du célèbre tragédien Edouard de Max.
Ce dernier, fasciné par l'écriture de Jean, décida d'organiser une lecture de ses poèmes au Théâtre
Fémina, sur les Champs-Elysées. Dorénavant Jean Cocteau ne voudra fréquenter que les grands :
de Catulle Mendès à Marcel Proust en passant par la Comtesse de Noailles et les Rostand...
Il se promènera dans les rues de Paris, affichant un style très provoquant. Cocteau est devenu un dandy,
un "Prince Frivole" .

Cependant, sa rencontre, en 1910, avec Serge de Diaghilev, mécène et directeur de troupe Russe,
va bouleverser, irrémédiablement, tout son bel équilibre. "Le premier son de cloche, qui ne se terminera
qu'avec ma mort, me fut sonné par Diaghilev, une nuit, place de la Concorde. Nous rentrions de souper
après le spectacle. Nijinsky boudait, à son habitude. Il marchait devant nous. Diaghilev s'amusait de mes
ridicules. Comme je l'interrogeais sur sa réserve (j'étais habitué aux éloges), il s'arrêta, ajusta son
monocle et me dit : "Etonne-moi". Ce simple mot a fait réagir Cocteau comme une révélation.
Avec une volonté peu commune, il décida d'arrêter son existence superficielle et ira jusqu'à renier
ses oeuvres passées, qui lui avaient pourtant apportées le succès tant convoité. "La Lampe d'Aladin",
"Le Prince Frivole", "La Danse de Sophocle" seront réduit à néant. "Cette phrase me sauva d'une carrière
de brio. Je devinai vite qu'on n'étonne pas un Diaghilev. De cette minute, je décidai de mourir et de revivre.
Le travail fut long et atroce. Cette rupture, je la dois comme tant d'autres à cet ogre".


Du sens profond de cette phrase, Cocteau n'en prit réellement conscience qu'au terme de la
représentation (et du scandale !) du "Sacre du Printemps", par la troupe de Diaghilev en 1913.
"L'idée d'étonner ne m'était pas venue. J'étais d'une famille où on ne pensait pas du tout à étonner.
On croyait que l'art était une chose tranquille, calme, disparate [...] "Le Sacre du Printemps"
était pour moi la révélation d'une forme d'art opposée aux habitudes et anticonformiste".

"En 1917, le soir de la première de "Parade", je l'étonnai".

IL EST JUSTE QU'ON M'ENVISAGE APRES M'AVOIR DEVISAGE

Et c'est ainsi que Jean Cocteau entra, pour la deuxième fois, dans le monde.
Plus déterminé que jamais. Aiguisant son style anticonformiste et surréaliste
(mot inventé par Guillaume Apollinaire à l'occasion de la représentation de "Parade").
Depuis ce jour, les lauriers et les scandales s'associèrent aux oeuvres de Cocteau.

Pour son caractère irrationnels, "Parade" déconcerta. "La Machine à Ecrire" fût
violemment attaquée en 1941, pour avoir mal représentée la France. "Les Parents Terribles"
et d'autres écrits du poète n'échappèrent pas aux interdictions diverses.


Pour la plupart, ces chef-d'oeuvres de littérature trouveront un énorme succès auprès du public.

La presse fera un accueil triomphal à la sortie des "Enfants Terribles" en 1929. "La Voix Humaine"
(monologue téléphoné d'une femme à son amant qui la quitte) accédera à une carrière mondiale.

Il est possible que son entrée dans le monde étrange de l'opium en 1923, après la mort de son
ami Raymond Radiguet (auteur du "Diable au Corps", 1923), ait aiguisé son style unique...

Un poème

Souvenir de Naples

Le paradis, tombant, s'était cassé dans l'ombre.
Les coups de pistolets d'où naissent les colombes,
Faisaient mille marins s'envoler des vaisseaux,
Pour chercher, à taton, ses chiffres, ses morceaux.

On accrochait partout des balcons, des échelles;
Les femmes, n'ayant rien à se mettre sur elles,
Appelaient au secours de leur lit aux pieds d'or.
Les matelots entraient et changeaient le décor

Une morte, riant dans son cerceuil de verre,
Conduisait les chevaux de son char, ventre à terre;
( Ce char appartenait au marchand de coco),
C'était Herculanum, Pompéï, Jéricho.

Je n'ai jamais rien vu de plus fou sur terre.


Jean Cocteau


LE CINEMA EST UNE ENCRE DE LUMIERE

Après bien d'autres succès de poésie de roman, de poésie critique, de poésie de théâtre et de
poésie graphique , Jean Cocteau sera séduit par le cinématographe. Il en fera, bien sûr,
une poésie ! Il ne pouvait pas en être autrement. Cocteau se révéla ainsi à un public plus large.

"Le cinéma n'a pas attendu "Le Sang d'un Poète" pour exister dans l'oeuvre de Cocteau.
Il est partout dans "Le Cap de Bonne-espérance" . Il s'est infiltré dans les vers de "Plain-Chant".
Il est dans "Opéra" (Henri Langlois [1914-1977], l'un des créateurs, avec G.Franju et P.A. Harlé,
de la cinémathèque française).

Mais si "Le Sang d'un Poète" - ce "documentaire réaliste d'évènements irréels" - resta la curiosité
des psychiatres , son deuxième film, "La Belle et la Bête", réalisé en 1945, fût, en revanche,
un enchantement visuel pour les spectateurs venus en masse pour applaudir cet exploit lyrique et
technique. Mal accueilli au festival de Cannes en 1946, il ne reçut que le prix Louis Delluc !



Mais c'est avec "Le Testament d'Orphée" (1960), monté grâce à l'aide financière de François Truffaut,
que Jean Cocteau renoua avec le pur cinéma d'images. "Les producteurs [...] exigent un "sujet" et un
prétexte alors que la manière de dire, de montrer les choses, et de meubler l'écran est mille fois plus
important que ce qu'on y raconte" . Dans cet ultime grande oeuvre, Jean Cocteau dépassa la simple
complicité avec la mort. Il la transcenda en jouant son propre rôle. Trois ans plus tard, il la subira...
"Le Testament d'Orphée" est, très certainement, le catalogue de ce que possédait Cocteau : toute sa
poésie, ses rêves et ses angoisses, ses fantasmes et ses hallucinations y sont recensés. Ce fût,
sans aucun doute, son propre testament qu'il dévoila aux yeux de tous.

A l'instar de son premier film "Le Sang...", "Le Testament..." ne rencontra pas son public. Le travail de
Cocteau se trouva, une fois de plus, projeté dans le futur : "lorsqu'une oeuvre semble en avance sur
son époque, c'est simplement que son époque est en retard sur elle", lançait-il pour occulter sa peine.

IL FAUT ETRE UN HOMME VIVANT ET UN ARTISTE POSTHUME

Le 11 octobre 1963, en apprenant la mort de sa grande amie Edith Piaf, Cocteau se dit :
"c'est ma dernière journée sur cette terre", puis s'évanouie.

"Vivre me déroute plus que mourir" ("La Difficulté d'être"). Cocteau en profita discrètement
pour éteindre sa propre flamme, et entrer dans l'éternité. "Je ne redoute pas la mort.
Elle est comme une naissance à l'envers" .

JE RESTE PARMI VOUS (épitaphe)...

Il était inconcevable de raconter de raconter en quelques lignes toute la vie, toutes l'oeuvre
et toute l'imagerie du poète-académicien Jean Cocteau.

Je me suis donc limité à dénoncer les épreuves et les rencontres majeures de sa jeunesse,
lesquelles ayant, de toute évidence, influencé l'interprétation poétique du visionnaire.

"Tout ce que j'ai, me vient de l'enfance" a été son fil d'Ariane...

OEUVRES DE JEAN COCTEAU

Poésie
Poésie de roman
1909 La Lampe d'Aladin.
1910 Le Prince frivole.
1912 La Danse de Sophocle.
1919 Ode à Picasso.Le Cap de Bonne-Espérance.
1919 Le Potomak (édition définitive : 1924).
1920 Escale. Poésies (1917-1920).
1922 Vocabulaire.
1923 La Rose de François. Plain-Chant.
1923 Le Grand Ecart. Thomas l'imposteur.
1925 Cri écrit.
1926 L'Ange Heurtebise.
1927 Opéra.
1928 Le Livre blanc.
1929 Les Enfants terribles.
1934 Mythologie.
1939 Enigmes.
1940 La Fin du Potomak.
1941 Allégories.
1945 Léone.
1946 La crucifixion.
1948 Poèmes.
1952 Le Chiffre sept. La Nappe du Catalan (en collab. avec Georges Hugnet).
1953 Dentelles d'éternité. Appogiatures.
1954 Clair-Obscur.
1958 Paraprosodies.
1961 Cérémonial espagnol du Phénix. La Partie d'échecs.
1962 Le Requiem.
1968 Faire-Part (posthume).

Poésie de théâtre
Poésie critique
1921 Les Mariés de la tour Eiffel (Musique d'Auric, Honegger, Milhaud, Poulenc et Taillefer).
1922 Antigone.
1924 Roméo et Juliette.
1926 Orphée.
1930 La Voix humaine.
1934 La Machine infernale.
1936 L'Ecole des veuves.
1937 Oedipe-roi. Les Chevaliers de la Table ronde.
1938 Les Parents terribles.
1940 Les Monstres sacrés.
1941 La Machine à écrire.
1943 Renaud et Armide. L'Epouse injustement soupçonnée.
1946 L'Aigle à deux têtes.
1948 Théâtre I et II.
1960 Nouveau théâtre de poche.
1962 L'impromptu du Palais-Royal.
1971 Le Gendarme incompris (posthume, en collb. avec Raymond Radiguet).
1918 Le Coq et l'Arlequin.
1920 Carte blanche.
1922 Le Secret professionnel.
1926 Le Rappel à l'ordre. Lettre à Jacques Maritain.
1930 Opium.
1932 Essai de critique indirecte.
1935 Portraits-Souvenir.
1937 Mon Premier voyage (Tour du monde en 80 jours).
1943 Le Greco.
1946 La Belle et la Bête (journal du film).
1947 Le Foyer des artistes. La Difficulté d'être.
1949 Lettres aux Américains. Reines de la France. Maalesh (journal d'une tournée de théâtre).
1951 Jean Marais. Entretiens autour du cinématographe (avec André Fraigneau).
1952 Gide vivant.
1953 Journal d'un inconnu. Démarche d'un poète.
1955 Colette (discours de réception à l'Académie Royale de Belgique).Discours de réception à l'Académie française.
1956 Discours d'Oxford.
1957 Entretiens sur le musée de Dresde (avec Louis Aragon). La Corrida du 1er mai.
1959 Poésie critique I.
1960 Poésie critique II.
1962 Le Cordon ombilical.
1963 La Comtesse de Noailles, oui et on.
1964 Portrait Souvenir (posthume ;entretien avec Roger Stéphane).
1965 Entretiens avec André Fraigneau (posthume).
1973 Jean Cocteau par Jean Cocteau (posthume ; entretiens avec William Fielfield).
1973 Du cinématographe (posthume). Entretiens sur le cinématographe (posthume). Poésie de journalisme 1935-1938 (posthume).


Poésie graphique
Poésie cinémathographique
1924 Dessins.
1925 Le Mystère de Jean l'oiseleur.
1926 Maison de santé.
1929 25 dessins d'un dormeur.
1932 Le Sang d'un poète.
1935 Soixante dessins pour les Enfants terribles.
1941 Dessins en marge du texte des Chevaliers de la Table ronde.
1942 Dialogues du Baron fantôme, de S. de Poligny.
1943 Dialogues de L'Eternel retour, de Jean Delannoy.
1945 La Belle et la Bête.Dialogues des Dames dubois de Boulogne, de Robert Bresson.
1948 Drôle de ménage.
1947 Dialogues de Ruy Blas, de Pierre Billon. L'Aigle à deux têtes.
1948 Les Parents terribles.
1949 Orphée.
1957 La Chapelle Saint-Pierre, Villefranche-su-Mer.
1958 La Salle des mariages, hôtel de ville de Menton. La Chapelle Saint-Pierre (lithographies).
1959 Gondol des morts.
1959 Le Testament d'Orphée.
1960 Saint-Blaise-des-Simples.
1960 Dialogues de La Princesse de Clèves, de Jean Delannoy.


Journal intime
Ouvrages sur Jean COCTEAU
1983 Le Passé défini (posthume) - Cocteau Prince sans royaume, de Monique Lange
- Cocteau, d'André Fraigneau
- Histoires de ma vie, de Jean Marais
- L'inconcevable Jean Cocteau, de Jean Marais





2 commentaires:

Ca†≈ a dit…

A part Diane Dufresne qui n'est pas ma tasse de thé... J'aime tous tes billets, Nanie.
Il y a beaucoup de soin et de recherches.
Je me régale et trouve ici ce que la télévision ne m'offre plus depuis longtemps malheureusement.
De la culture, des biographies de personnalités inclassables, uniques.

Gros bisous

Anonyme a dit…

This is great info to know.